Samedi 2 juillet, au cinéma du Stade de France, nous sommes allées découvrir le message de « Salam », le film documentaire de Mélanie Diam’s.

On avait discuté ensemble de cet évènement médiatique important lors de la sortie de son interview chez Brut. Pour compléter ce qu’on avait dit, je vous livre ici mes impressions sur le film, et j’ai hâte de lire les vôtres !

La communication autour du film

Mélanie a présenté ses motivations lors d’une itw chez Brut. Elle y nous expliquait vouloir raconter son histoire avant que d’autres ne se l’approprient. Il n’était pas question de parler franchement de sa conversion ou de l’islam en général, ce sur quoi de nombreuses personnes ici l’attendaient, mais plutôt des maladies psychologiques dont elle souffrait et de la paix qu’elle a fini par trouver dans la foi et la contemplation, loin du monde de la musique. « Diam’s » était une étape dans la vie de Mélanie, qu’elle a dépassé depuis. Et puisqu’elle a marqué toute une génération en France, elle revient tirer sa révérence, solennellement, sur grand écran.

L’esthétique du film

Je m’interrogeais sur la forme qu’allait emprunter ce film documentaire. Mélanie est liée par l’éthique islamique et pour cette raison, même si le fond du film porte sur son passé de rappeuse, il n’aurait pas été convenable de passer des extraits de ses anciens titres, de diffuser des images de ses anciens concerts où la musique s’entend, où les visages passionnés de ses anciens fans se voient, où la pudeur des personnes n’est pas respectée… Et c’est un choix artistique original qu’a finalement réalisé l’équipe de Salam ! Les visages des intervenants apparaissent baignés dans un fond noir. La sobriété s’impose, les chevelures sont ainsi invisibilisées, comme tout le reste des corps. Seuls demeurent la gravité des expressions faciales, la force des regards, les lèvres qui se pincent et les sourires qui s’échappent. Les gros plans sur les visages sont quasiment systématiques pendant toute la première partie du film, celle qui est occupée par le récit des souffrances de Diam’s et des illusions portées par le monde du Show business. Ce n’est que dans la deuxième partie du film que les plans s’élargissent et que les couleurs s’affirment. On a l’impression de cheminer avec l’artiste, à mesure que le récit se déroule. Bientôt, la noirceur des premiers temps du film quitte la scène pour laisser la place à des paysages somptueux, invitation à la contemplation dont nous parle si bien Mélanie.

Paillettes, souffrances psychologiques et quête de sens

Mélanie, sa mère, ses amies et proches racontent tour à tour les troubles de l’artiste et sa lente descente vers la psychiatrie à mesure que sa carrière atteignait des sommets. Le discours est franc et parfois déconcertant de gravité. Les paillettes de Diam’s ne camouflaient que trop mal les souffrances de Mélanie (ou trop bien ?). On connaît déjà la fin du film : Mélanie rencontre la grâce divine et sa vie prend sens. Son entrée dans l’islam se fait par la porte de la salât, un appel d’air irrésistible pour l’artiste en souffrance. C’est un des passages du film qui mérite une belle part de méditation. Personne n’a prêché l’islam à Mélanie, elle ressentait le besoin de poser son front au sol pour se remplir d’humilité devant le créateur des Cieux et de la Terre et elle n’a eu qu’à suivre l’exemple d’une soeur en islam qui se rendait à son rendez-vous avec le Très Haut.

C’est là que commence la part du film où Mélanie nous livre un peu plus de son cheminement spirituel et la façon dont elle a été précipitée hors du monde de la musique à la faveur d’une photo volée d’elle, à la sortie de la mosquée, enhijabée. Le déchaînement médiatique est éprouvant mais quand on connaît enfin le sens de cette vie et qu’on accepte le destin, alors on endure et on s’adapte. Mélanie poursuit son chemin, les adieux avec le monde de la musique n’ont été que facilités. Les au revoir avec le public restent incertains… Il faudra du temps pour retrouver un moyen de communiquer, qui ne pourra plus être le rap.

Avis général sur le documentaire

J’apprécie la personnalité de Mélanie et je m’en sens très proche, j’étais heureuse de la retrouver dans ce film documentaire. Je connaissais déjà son histoire, qui n’est plus inédite quand on a lu ses livres ou suivi ses précédentes interviews. Des critiques ont d’ailleurs pu s’élever sur la pertinence de raconter sur grand écran ce qu’elle avait déjà dit dans ses livres. On a pu aussi entendre que revenir avec ce film, alors qu’elle avait déjà annoncé son retrait définitif de la scène médiatique, la discrédite, voire pose questions sur ses vraies intentions… Pour ma part, j’ai su apprécier d’entendre une histoire que je connaissais déjà dans le fond dans un format nouveau. En tout état de cause, un film ne touche pas de la même façon qu’un livre.

Je retiens aussi la longue place accordée à la présentation des activités de l’association Big up Projet, à un point tel que j’ai pu me demander si tout le film n’était pas qu’un prétexte pour en parler. C’est peut-être le cas, et alors ? Diam’s n’est plus et Mélanie confie les restes de sa notoriété à un projet immense par ses bienfaits.

Enfin, de nombreux passages du film méritent davantage de développement, on voudrait en entendre plus… Pour glorifier الله le Très Haut, pour dénoncer les illusions qui polluent les coeurs, le showbiz, la notoriété, l’argent… Mais le film ne saura pas nous rassasier et je n’en ferai pas une critique fondamentale. Soyons raisonnables, la maîtrise du discours est admirable dans Salam, on a peut-être jamais parlé d’islam avec autant de liberté au cinéma en France ! Ce qui compte n’est pas seulement ce qui est dit dans le texte, mais ce qui est compris.

Pour cette fois, Mélanie nous dit aussi des choses avec le silence.