Je m’apprête à vous parler d’un livre qui aura, sinon redéfini ma compréhension de l’Histoire du Maghreb islamique, l’aura au moins fortement élevée en degré ! L’autobiographie de Khayreddine Barberousse est un livre précieux paru en 2020 aux éditions Al Bidar et qui m’a fait vivre une expérience de lecture exceptionnelle.

D’abord, je me suis débarrassée d’un outrage fait à la mémoire d’un héros de l’Islâm du XVI ème siècle. Pour moi, Barberousse ne sera plus un terrible pirate qui bondit à l’abordage, un sabre entre les dents et qui dévore les enfants. C’était là l’imaginaire que j’avais hérité des dessins animés et de livres pour enfants. En réalité, Khayreddine Barberousse était un musulman d’une île grecque rattachée à l’Empire ottoman, il a parcouru les mers et a affronté à plusieurs reprises les navires des puissances occidentales (Espagnols, Portugais, Vénitiens etc). Avec son frère Urudj, à l’histoire non moins fameuse, il a fini par s’établir sur les terres d’Al-Jazaïr puis a été amené à diriger Alger qu’il a fait rattacher à l’Empire ottoman alors sous le règne du calife Suleyman. Tous ces évènements, Khayreddine Barberousse les a relatés directement dans une oeuvre autobiographique à la demande du sultan désireux de connaître l’histoire et la trajectoire de celui qu’il a surnommé lui-même Khayeddine, « celui qui est un bien pour la religion ». On prend dès lors la mesure de la valeur du livre que l’on a entre les mains ! 

Un travail éditorial remarquable 

Dans les premières pages du livre, l’éditeur revient sur la méthodologie qu’il a empruntée pour la production de cet ouvrage. On découvre alors une équipe éditoriale attachée au développement d’une approche historique qui s’appuie sur le quran et la sunnah. Ne ratez donc pas l’introduction qui sera très inspirante pour les personnes qui s’intéressent à l’épistémologie ! 

« Nous avons le devoir, dans une situation de divergence, de nous référer au Coran et à la Sunna, qui sont les deux sources inaltérées et pures de toute souillure, lumières divines guidant l’humanité sur le chemin de la vérité. C’est par conséquent, à la lumière de ces dernières, que nous nous sommes efforcés de rassembler et d’ordonner une foule d’éléments historiques, accumulés durant la vie de Khayreddine Barberousse. »

En outre, le livre contient une belle carte dépliable qui reprend sur une face l’expansion de l’empire ottoman jusqu’au XVIème siècle, et sur l’autre l’ensemble des lieux mentionnés dans l’autobiographie de Barberousse. Cette carte accompagne notre lecture, lui donne du relief et participe de l’expérience d’immersion dans le monde musulman d’autrefois ! C’est un véritable atout pour allier Histoire et géographie, l’une n’allant pas sans l’autre. 

Par ailleurs, l’ouvrage suit un plan chronologique, chaque partie porte le titre de l’évènement qu’elle relate ainsi que ses dates, ce qui facilite grandement la lecture. Le style est simple, le travail de traduction n’a laissé aucune trace. C’est véritablement un ouvrage à conseiller à tous les lecteurs et une lecture plaisante !

Une leçon d’Histoire décolonisée 

Avec le récit de la vie de Khayreddine, j’ai découvert l’état du Maghreb islamique et du monde méditerranéen au XVIème siècle selon le point de vue d’un Musulman attaché à la cause de l’islâm. J’avais déjà étudié cette région en Sociologie historique, notamment au moyen des travaux de Fernand Braudel. Le récit de Khayreddine permet une nouvelle lecture de l’Histoire de la région. Il relate les rivalités entre les différentes tribus, principautés, émirats, sultanats et autres royaumes en Afrique du Nord. Il nous dresse le tableau d’une désunion sévère et d’un désordre politique indépassable au sein des peuples de l’islâm au Maghreb. Une situation dont les puissances occidentales montantes -l’Espagne et le Portugal principalement- savent tirer profit. Aussi, je suis ressortie de cette lecture avec une compréhension nouvelle de l’état du Maghreb aujourd’hui et du rapport de force avec la rive nord de la Méditerranée. En effet, Khayreddine raconte largement les déboires qu’il rencontre pour unir le peuple d’Alger dans l’allégeance au sultan et calife ottoman mais aussi les rivalités avec le sultanat de Tunis ou le royaume de Fès. Ces derniers ont pu avoir recours à des alliances avec les Espagnols notamment pour maintenir à distance les troupes de Khayeddine et donc du calife. Le récit de cette désunion qui va jusqu’à la collaboration avec les ennemis de l’islâm m’a aussi ouvert de nouvelles perspectives pour comprendre la colonisation qui surviendra quelque deux cents ans plus tard. La fin de l’homme Almohadien, dans la pensée de Malek Bennabi, prend aussi tout son sens…

 En définitive, L’autobiographie de Barberousse est un témoignage rare de la situation politique en Afrique du Nord et de tout le monde méditerranéen à l’époque de la « Renaissance » européenne. Ce livre m’a mis sur la voie d’urgentes prochaines lectures pour augmenter ma connaissance du Maghreb dans une démarche d’Histoire décolonisée. J’ai aussi pris conscience d’un défaut sérieux : placer la focale sur la période coloniale et délaisser d’autres périodes historiques dans cette région, notamment la période de la régence ottomane, et de façon générale, toutes les interactions avec les puissances méditerranéennes d’Europe. Ce livre m’a ainsi offert une vraie leçon d’Histoire décolonisée ! 

Un héros musulman inspirant 

Dans son récit autobiographique, Khayreddine Barberousse raconte les moeurs et coutumes de son temps et nous renseigne sur le mode de vie qu’il menait alors. On découvre un homme qui mentionne الله très régulièrement, qui recherche Sa satisfaction dans ses oeuvres, qui a le souci des pauvres et des opprimés, qui consulte الله et recherche Son agrément avant les expéditions militaires. Aussi, on ressort de cette lecture inspiré par la conduite de cet homme soucieux d’accomplir ce qu’aime الله ! On est également transporté par les descriptions des fastes d’Istanbul, des trésors et des butins collectés après les expéditions. La minutie de la comptabilité rapportée après chaque expédition nous laisse apprécier le sens du détail typique de la bureaucratie ottomane. On ressent aussi la force protocolaire de l’Empire ottoman dans ce récit commandé par le sultan, Khayreddine ne tarit pas d’éloges sur le sultan, décrit avec déférence les hommages qu’il lui rend. On se laisse transporter et on imagine le sultan lire ce récit et se satisfaire de ce qu’il y découvre…

 

Pour toutes ces raisons, je vous recommande vivement la lecture de L’autobriographie de Khayreddine Barberousse ! Fermer le livre m’a laissée nostalgique d’un temps lointain où les rapports de force en Méditerranée incluaient la grande et fière flotte ottomane et où les louanges pour الله précédaient les expéditions en mer… 

Je commande L’autobiographie de Barberousse !

 

ℹ️Pour aller plus loin : Je lisais en parallèle Le roman des Janissaires aux éditions Ribât. C’est un combo qui fonctionne très bien ! On peut ainsi placer l’épisode Barberousse et celui de la Régence d’Alger sur le temps plus long de l’Empire ottoman.

 

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